Gravity

L’heure est grave mes amis. Depuis le mois de novembre, Vadim a des troubles du sommeil. Ça s’en va et ça revient, comme dirait l’autre. Le coucher est donc devenu un vrai parcours du combattant : je fais de l’ombre à Halle Berry tous les soirs, opérant des ralentis d’une beauté à couper le souffle en m’éloignant à pas de loup du chevet de l’alien endormi. Si vous avez déjà galéré pour coucher votre enfant, vous reconnaissez forcément ce moment où vous quittez la chambre tel un spationaute en apesanteur, effectuant les gestes les plus lents possibles, volant jusqu’à l’inaccessible étoile poignée le souffle coupé, tout en priant Saint Christophe pour parvenir à quitter la stratosphère de la chambre d’enfant sans rencontrer de turbulences.

Dans la grande famille des oscars des meilleurs obstacles qui se dressent sur votre route, je nomine :
– pour la meilleure musique originale : Timon le p’tit avion, resté allumé en douce, qui se remet à chanter à tue-tête qu’il aime virevolter sur lui-même quand vous l’effleurez du pied
– dans la catégorie du meilleur décor : la poignée de la porte qui couine, juste un peu, pour le fun, quand vous refermez la porte derrière vous
– pour le meilleur scénario original : la sirène de pompier tonitruante qui retentit dans la nuit noire pile au moment où vous atteignez le couloir
– pour le meilleur acteur dans un second rôle : le bébé du voisin qui a l’air aussi ch*** à coucher que le votre et qui choisit le moment idéal pour beugler
– dans la catégorie des meilleurs effets visuels : la lumière du couloir que vous aviez oublié d’éteindre AVANT d’attaquer le rituel de coucher du morveux qui vous éblouit lorsque vous ouvrez la porte de sa chambre
La moindre petite erreur ne pardonne pas et déclenche automatiquement un système d’alarme chez l’alien, qui se met à hurler comme un marcassin qu’on égorge. Ou qui vous sort sa version plus élaborée et culpabilisante du signal d’alerte en usant du fameux « Mamaaaaaaaaaaaan!!! » Et c’est reparti pour une tournée de comptines avant une nouvelle tentative d’évasion digne de Mission impossible.

Après avoir fait partie du clan des chanceux parents dont le nourrisson dort plutôt pas mal, puis de celui des bienheureux géniteurs qui peuvent laisser leur petit s’endormir seul dans son lit après le rituel du coucher, je crois que nous avons officiellement rejoint la team des gros gros losers du bedtime. Pour la défense de l’alien, la fin d’année 2015 a été riche en gros changements : son papa est devenu P.A.F.F. (Père Au Foyer Forcé), nous avons donc dû licencier la nounou chez qui Vadim allait depuis ses deux mois, j’ai travaillé tard le soir à plusieurs reprises et les fêtes de fin d’année ont fini de bouleverser l’ancienne routine bien rodée de l’alien.

Afin d’associer tous ces gros bouleversements à un événement plus rigolo, nous avons changé le lit de Baby V. pile durant la période où l’heure du coucher tournait à la véritable crise de terreur. Bon, j’avoue, c’était un peu quitte ou double, mais on a eu du flair puisqu’il a adoré son lit de grand et sa « couette nouvelle ». (je cite !) Après quelques tentatives d’évasion les deux premières nuits, Vadim a compris « qu’un lit de grand implique de grandes responsabilités ». (par contre, je crois qu’il n’a pas saisi la référence à Spiderman… nobody’s perfect.) Durant quelques semaines bénies, il a de nouveau dormi comme un ange, tout heureux d’aller se blottir dans son plumard.

Et puis je sais pas, on doit être joueur hein, parce qu’on s’est dit que du coup on n’avait qu’à lui imposer un nouveau bouleversement cosmique, histoire de redonner du piment à l’heure du coucher. Alors, on a attaqué la « période d’adaptation » à la halte-garderie, pour que notre sauvageon se sociabilise un peu au contact d’autres enfants. Effet boomerang immédiat et rebelote pour la crise du dodo. Bon, on a du bol dans notre malheur, on n’avait pas encore eu le temps de mettre notre scaphandre à la cave. Il ne reste qu’à le renfiler avant d’aller lire les histoires du soir.

D’abord la jambe gauche.

Toujours.